LOIC HEMARD

Juriste senior

TVA SUR LA MARGE : évolution jurisprudentielle et sécurisation de la TVA sur marge aux opérations d’achat revente en cours

Actualités

En cas de livraison d’un terrain à bâtir ou d’un immeuble bâti achevé depuis plus de cinq ans lorsque l’option a été exercée, l’article 268 du Code général des impôts prévoit que la base d’imposition de la TVA est constituée de la marge du cédant dès lors que l’acquisition n’a pas ouvert droit à déduction. Le régime de la TVA sur la marge permet, ainsi, d’éviter une double imposition et vise à garantir pour l’assujetti la neutralité du système de la TVA.


Saisie par le Conseil d’Etat en 2020 sur le régime de la TVA sur la marge lors de la cession d’un terrain à bâtir, la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans sa décision du 30 septembre 2021, aff. C-299/20, Icade Promotion, donne son interprétation de l’article 392 de la directive TVA de 2006

Pour la Cour de Justice de l’Union Européenne, la TVA sur marge peut s’appliquer aux ventes de terrains :

  • • uniquement lorsque la qualification fiscale du bien vendu est la même qu’au moment de son acquisition (le terrain à bâtir vendu a été acquis en tant que terrain à bâtir) ;
    • lorsque l’acquisition n’avait pas été soumise à la TVA alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial.

Cette jurisprudence qui, au nom du principe de neutralité de la TVA, réduit considérablement le champ d’application de la TVA sur la marge n’a pas manqué d’émouvoir praticiens et professionnels de l’immobilier. Aussi, dans la mesure où elle aménage le régime de la TVA sur marge tel que figurant au BOI-TVA-IMM-10-20-10 mis à jour le 13 mai 2020, ils n’avaient pas manqué de s’interroger, comme le député Romain Grau, sur les conséquences de cette décision et plus précisément sur l’opposabilité de la doctrine BOFiP actuelle aux opérations en cours, ainsi qu’aux reventes postérieures à la publication des nouveaux commentaires tirant les conséquences de la jurisprudence communautaire.

Dans sa réponse, le gouvernement apporte les précisions suivantes qui sécurisent temporairement le régime actuel de la TVA sur marge :

• après que le juge national aura tranché le litige national en cours, en concertation avec les acteurs du secteur de l’immobilier, l’Administration tirera les conséquences de cet arrêt de la Cour par une mise à jour de ses commentaires publiés au Bulletin Officiel des finances publiques – impôt (BOFiP-I) sous la référence BOI-TVA-IMM-10-20-10 ;

 

• aussi longtemps que cette mise à jour n’est pas intervenue, les assujettis revendeurs bénéficient pleinement de la garantie prévue par les dispositions de l’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales (LPF). Cette garantie permet au contribuable de bonne foi de se prévaloir de l’interprétation faite par l’administration d’un texte, même contraire au droit de l’Union tel que précisé par la jurisprudence de la CJUE. En outre, cette garantie interdit à l’administration fiscale de remettre en cause l’application par un redevable d’un texte fiscal effectuée conformément à l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportées à la date des opérations en cause.


• enfin, le gouvernement précise que cette mise à jour de la doctrine fiscale n’aura pas vocation à remettre en cause les équilibres économiques des opérations en cours. Ainsi, dans le cadre de la revente d’un bien immobilier intervenant postérieurement à la date de publication des futures précisions doctrinales tirant les conséquences de la jurisprudence de la CJUE, l’assujetti revendeur pourra continuer à se prévaloir de l’actuelle doctrine fiscale si son acquisition du bien considéré est intervenue ou a fait l’objet d’un compromis de vente antérieurement à cette publication.

 

L’administration mettra à jour ses commentaires une fois que le litige en cours, ayant donné lieu à la saisine de la CJUE, aura été tranché par le juge national. Dans cette attente, les professionnels peuvent toujours se prévaloir de la doctrine administrative en vigueur référencée ainsi : BOI-TVA-IMM-10-20-10, 13/05/2020

En conclusion, pour déterminer si la cession d’un TAB bénéficie de la TVA sur marge, il y aura donc un avant et un après modification du BOFiP :


• avant la mise à jour du BOFiP : deux méthodes seront possibles pour déterminer l’assiette de TVA de la cession d’un terrain à bâtir – TAB : celle de la CJUE et celle de l’actuel BOFiP. Les contribuables français sont libres d’opter pour l’une ou l’autre ;


• après la mise à jour du BOFiP : une seule méthode existera : celle de la CJUE.

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